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SECRETS
& MYSTÈRES
DE
L'ÎLE DE
PÂQUES
Gilles Van Grasdorff
Presses du Chatelet
Nous
vous proposons une analyse critique du contenu
de ce livre de Gilles Van Grasdorff, laquelle nous permettra d’élaborer
encore davantage sur la véritable
histoire de l’Île de Pâques.
S’adressant à un
très large public, ce livre porte un titre particulièrement alléchant
et ambitieux. Il semble en effet, que nous allons en apprendre davantage sur
les secrets et mystères de l’île de Pâques.
Mentionnant
dès le début qu'il ne se considère pas comme un spécialiste de l’île de Pâques,
mais qu’il va agir en tant que « détective du mystère », Grasdorff
entend nous informer sur ce qu’il qualifie de grande et inépuisable
question : « Quels secrets et mystères entourent,
aujourd’hui encore, l’île de Pâques ? ».
L’auteur,
résume dans ce livre quelques-unes des expéditions des premiers
navigateurs ayant abordé l’Île de Pâques à différentes époques,
ainsi que la vie d’Eugène Eyraud, le premier missionnaire de l’Île.
Ces éléments étant cependant déjà en grande partie connus et rapportés dans différents
livres, nous allons plutôt nous concentrer sur le vif du sujet proposé par
l’auteur.
La
génétique et l’origine des Pascuans
Selon
ses dires, Grasdorff aurait entreprit son travail de rédaction une fois
seulement son " enquête " achevée.
S'attaquant
d'abord à l'origine des Pascuans, après avoir parlé de l'arrivée de
Hotu Matua, lequel aurait été précédé par quelques éclaireurs, il
affirme sans ambages que la génétique nous permet maintenant de bien
connaître l'origine des Pascuans.
Grasdorff
fait alors référence à un article écrit par une journaliste dans
lequel celle-ci s'interroge sur les origines des habitants de l'île de
Pâques. Grasdorff mentionne : " Elle y explique que " des
analyses génétiques effectuées sur des squelettes prouvent qu'ils sont
identiques à la population polynésienne actuelle. ".
Ceci est pour le moins
surprenant, l’auteur qui a commencé par nous préciser qu’il allait
agir en « détective du mystère » et qu’il mène une enquête,
se base uniquement sur un article rapporté par une journaliste pour
nous convaincre que les anciens Pascuans seraient des Polynésiens. On
serait en droit de s’attendre à un peu plus de la part d’un écrivain
qui se qualifie lui-même de « détective du mystère ». Il
aurait en effet été intéressant que l’auteur prenne lui-même
connaissance de cette étude génétique, ainsi que des critiques qui en
ont été faites, Il se serait alors peut-être rendu compte que celle-ci
ne démontre en rien l’origine des Pascuans. De plus, cette étude date
déjà d’un certain temps puisqu’elle a été réalisée en 1994. La
lecture d’études génétiques plus récentes aurait aussi probablement
semé un doute dans l’esprit de Grasdorff en ce qui concerne l’origine
exclusivement polynésienne des Pascuans puisque celles-ci font état de
la présence de marqueurs génétiques amérindiens dans le bagage génétique
pascuans.
La
recherche de 1994 sur la génétique des Pascuans
Les
nouvelles recherches génétiques sur les Pascuans 
.
L’influence
des Incas à l’Île de Pâques
Grasdorff
poursuit en s’interrogeant : « Pourtant, un détail intrigue.
Pourquoi les statues ressemblent-elles aux Incas
? ».
.
On
s’attendrait à ce que l’auteur élabore un peu plus longuement sur cette
très intrigante question. Il
aurait effectivement été particulièrement intéressant, voir même indispensable,
qu’il informe le lecteur de cette thèse d'une influence incaïque à
l'Île de Pâques avant d’interroger des personnes sur cette question. D’autant plus, que les seules personnes
qu’il a interrogées sont reconnues, de longue date, pour être contre
toutes formes d’influences extérieures qui auraient pu jouer un rôle
dans la culture des Pascuans.
.
Il est pour le moins curieux que
cela ne soit même pas venu à l’esprit de Grasdorff !
.
Ayant écrit plus de 800 pages
sur le sujet réparties en trois livres différents, il nous aurait fait plaisir de lui fournir quelques lignes qui auraient pu permettre au
lecteur de bien comprendre de quoi il s’agit.
.
Pour répondre à cette
intéressante question l’auteur se contente seulement de consulter M.
Orliac. Lequel lui répond : « Je n’ai jamais trouvé, me
confie-t-il, la moindre ressemblance dans les traits physiques entre la
statuaire rapanui et la statuaire inca - pas plus qu’avec la statuaire
polynésienne. ».
.
Grasdorff de conclure :
« le mystère demeure »...
Pour Grasdorff, la question est donc vite réglée !
.
Donc non seulement l’auteur
n’explique pas au lecteur de quoi il s’agit, mais en plus sur une
simple affirmation non étayée, et sans autres informations ni débat, il
vient de clore ce dossier pourtant si particulièrement captivant…
.
Pour notre part, nous considérons
que le lecteur mérite un peu plus d’égards. Nous le référons donc à
trois études détaillées concernant l’influence incaïque sur l’île
de Pâques.
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L'empreinte
des Incas
Mystérieux
Moko
Le
transport et l'édification des moai
.
Par ailleurs, nous sommes
absolument d’accord sur le fait qu’il n'y a pas la moindre
ressemblance entre les traits physiques de la statuaire pascuane et la
statuaire polynésienne. Henri Lavachery, qui avait un oeil artistique
particulièrement exercé, considéra d’ailleurs lors de son expédition
à l’Île de Pâques que les Pascuans s’attachaient à l’imitation réaliste
des objets et qu’ils pratiquaient l’économie des lignes par la
simplification du trait. D’après lui, il suffisait de comparer la
statue du British Museum à n’importe quel Tiki marquisien pour s’en
rendre compte. Lavachery conclua en affirmant que les œuvres des Pascuans
attestent d’une qualité et d’un réalisme qu’on ne retrouve pas
ailleurs dans tout l’art polynésien. (L’empreinte des Incas, p.59)
.
Y a-t-il une ressemblance entre
les grandes statues de l’Île de Pâques et des œuvres artistiques
incas, la question est particulièrement intéressante. Nous y avons
d’ailleurs déjà répondu en détail lors d’une étude sur le sujet.
Comme une image vaut mille mots, le lecteur pourra juger par lui-même à
partir de ces quelques photos et en tirer ses propres conclusions.
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Moai
érigé sur un ahu et moai du Rano Raraku, île de Pâques
.
Figurine inca en or et poterie
découverte au lac Titicaca
.
Si l’auteur avait fait ce
simple exercice, il aurait pu, lui aussi, se faire une idée personnelle
sur le sujet.
.
Grasdorff continue en se posant la
question : « les recherches anthropologiques confirment que les
ancêtres pascuans étaient de souche polynésienne. Peut-on l’affirmer
vraiment ? » .
.
Il aborde alors la question
d’une présence inca à l’Île de Pâques. Pour y répondre il commenca par interroger
N. Cauwe. Celui-ci lui répondit
que Heyerdahl, avec son expédition du Kon Tiki « ne démontra que
la possibilité d’un voyage sur un frêle esquif », et rien
d’autre.
.
Nous avions déjà élaboré sur
ce sujet, et avons pu voir que bien avant Heyerdahl des parallèles
avaient été soulevés entre l’île de Pâques et le Pérou. Il est
aussi particulièrement intéressant d’apprendre qu’Henri Lavachery
considérait que « l’expédition du Kon Tiki avait tiré la
science de son engourdissement » et que cet exploit ouvrait la porte
à une plus grande réflexion.
.
Les
premiers liens qui furent mentionnés entre l'Île de Pâques et le Pérou
Selon
Lavachery, l'expédition de Thor Heyerdahl "a tiré la science de son
engourdissement"
.
Selon Orliac, l’absence
d’escaliers à l’île de Pâques démontre que les constructeurs de
monuments sur l’Île ne procédaient pas selon une tradition inca. Pour
notre part, nous voyons difficilement pourquoi les habitants de l’île
auraient voulu réaliser des escaliers en tuf volcanique, une matière
extrêmement friable, dont la dégradation aurait été extrêmement
rapide à cause de l’érosion et du va et vient fréquent des usagers.
.
Il est beaucoup plus important
et intéressant, selon nous, de s’intéresser au procédé d'assemblage à tenon
mortaise qui a été utilisé pour la réalisation de l’ahu
Vinapu à l’île de Pâques. Ce procédé, par ailleurs inconnu en Polynésie,
était couramment utilisé par les Incas. Entre autres, pour la
fabrication de chullpas monumentales près du lac Titicaca. Une de ces
chullpas possède d’ailleurs une petite pierre trapézoïdale intégrée
à sa structure identique à celle que l’on retrouve intégrée à l’ahu
Vinapu.
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Ahu
Vinapu, île de
Pâques
Chullpas, lac Titicaca, Pérou
Dans les deux
cas, il s'agit de monuments assemblés à l'aide du procédé à tenon
mortaise.
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Toujours selon Orliac : « cette
histoire d’Inca n’est ni nécessaire ni plausible ; elle relève
d’un racisme culturel : le sous-entendu est que les grands voyages et la
statuaire monumentale ne peuvent être produits que par de “grandes”
civilisations : négation absolue du talent des micro-sociétés polynésiennes ».
.
Cet argument est pour le moins
étonnant, car d’une part l’influence incaïque sur l’Île de Pâques
est très plausible et de plus, elle permet d’expliquer bon nombre d’énigmes
sur l’Île.
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Par ailleurs, personne ne prétend
que de longs trajets en mer seraient uniquement l’œuvre de grandes
civilisations. Cependant, le grand foisonnement d’éléments culturels
sur une si petite île, avec une petite population supposément restée
isolée du reste du monde pendant plusieurs centaines d’années à de
quoi surprendre.
.
Quant à qualifier de racisme
culturel le fait de proposer qu’une autre civilisation ait pu avoir une
influence sur la culture de l’île de Pâques et que celle-ci pourrait
expliquer ce qui n'est pas typiquement polynésien sur l’Île,
c’est oublier un peu rapidement, ou tout simplement ne pas vouloir en
tenir compte, que ce sont les Pascuans eux-mêmes qui ont affirmé qu’un
autre peuple, dont les individus étaient plus corpulents et arboraient
des lobes d’oreilles étirés, serait arrivé après les premiers
colonisateurs. Ces nouveaux arrivants auraient été experts dans l’art
de travailler la pierre, et auraient ainsi complètement transformé la
surface de l’île. Les Pascuans feraient-ils du racisme culturel envers
leur propre culture, voilà qui serait très surprenant…
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Les
moai « marchaient »
L’auteur aimerait bien percer
les secrets des moai, « des statues géantes qui continuent à fasciner
les voyageurs ». Il nous fait part que Hunt et Lipo : « au
cours d’une démonstration très médiatique, les ont fait marcher !
et, du même coup, nous ont fait marcher… ».
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Selon Cauwe, il s’agit là
d’une « démonstration fallacieuse » car Hunt et Lipo ont fait marcher
une statue en béton armé beaucoup plus solide que les vrais moai
en tuf volcanique. Orliac mentionne qu’en 1982 l’ingénieur tchèque
Pavel Pavel créa avec quelques amis une statue de béton de
douze tonnes qu’ils déplacèrent avec succès. Fort de cet exploit,
Pavel Pavel se joignit à l’expédition de Heyerdahl
de 1986 et ensemble ils affirmèrent avoir percé le mystère du déplacement
des moai.
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Cauwe et Orliac, oublient
cependant, à moins qu’ils ne soient tout simplement pas au courant, qu'Heyerdahl et
Pavel Pavel ont effectivement fait « marcher »,
c’est à dire déplacé à la verticale avec de simples cordages, un
authentique moai sur l’île de
Pâques. Pour ce faire, ils ont utilisé un moai de taille moyenne qui avait été redressé entre le Rano
Raraku et la baie de Hotu-iti.
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Mais ce n’est pas parce que
cet essai fut techniquement concluant que les moai
ont été déplacé à la verticale. Nous invitons d’ailleurs le lecteur
à prendre connaissance de notre étude détaillée à ce sujet : Le
transport et l’édification des moai.
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Le
transport et l'édification des moai
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Il aurait été intéressant que
l'auteur dirige son enquête sur la raison pour laquelle il y a autant de moai
gisant au sol le long des chemins de l’île. Il aurait aussi pu nous
informer sur les différents essais et les différentes hypothèses qui
tentent d’expliquer comment les moai
ont été déplacés. Le lecteur reste malheureusement sur sa faim devant
autant de silence sur le sujet.
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Les
moai au pied du volcan Rano Raraku ont un corps
Grasdorff mentionne que depuis
les fouilles de Katherine Routledge au Rano Raraku en 1914 et celles de
Thor Heyerdahl par la suite, on sait maintenant que le corps des moai
s’enfoncent à plusieurs mètres sous terre.
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« La plupart des gens pensent
que, sur cette île de 163 kilomètres carrés, les sentinelles de pierre,
silencieuses, ne sont que de simples têtes. Mais toutes ces têtes ont
des corps, qui commencent tout juste à être reconstitués, car pour ce
faire, il faut excaver minutieusement sur plusieurs mètres de profondeur.
Ces statues sont enterrées le plus souvent de la moitié du torse
jusqu’au ras du cou. ».
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Or, point n’est besoin de
creuser jusqu’à la base des moai du Rano Raraku pour se douter que ceux-ci sont des moai
complets tout comme ceux qui étaient érigés sur des ahu. En
effet, il suffit d’être allé à l’île de Pâques, ou à tout
le moins d’avoir visualisé une certaine quantité de photos prisent au
Rano Raraku, pour être à même de le constater du premier coup d’œil.
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Les
moai du Rano Raraku ont
un corps ! Une
" nouvelle " qui n'en est pas une ...
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Les
pukao
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L’auteur aborde aussi le sujet
des pukao, les fameux chapeaux des moai.
Il se contente cependant seulement de relater une anecdote à ce sujet, anecdote
sur laquelle nous avions d’ailleurs élaborée il y quelques années déjà.
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Le
mystère des coiffes rouges éclairci ?
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Le lecteur qui aimerait en connaître
plus sur cet ornement des moai
devra donc trouver ailleurs l’information. Nous l’invitons à lire L’empreinte
des Incas au chapitre sur les pukao afin d’avoir une vue
d’ensemble complète de ce dossier.
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L'empreinte
des Incas
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Guerres
de clans et chute des moai
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Grasdorff
s’interroge ensuite sur les moai
qui gisent à terre un peu partout à la surface de l’Île. Il mentionne
que le Père Sebastian Englert, « qui a énormément travaillé sur
la vie des Rapanui, leur culture et leurs traditions, rapporte dans ses écrits
de nombreux conflits armés, qui opposaient le plus souvent un clan ou une
tribu à un autre clan ou une autre tribu. ». Il pose alors la
question des guerres de clans à Orliac, celui-ci répond « Le Père Englert avait sans doute une conception très datée et très
archaïque de ce qu’était un sauvage ou un primitif – sans cesse se
battant et mangeant ses semblables. La mise en oeuvre des moyens nécessaires
à l’édification des
plates-formes, la sculpture et le transport des statues prouvent à l’évidence
de longues périodes de paix et d’entraide. ».
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Effectivement,
la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la construction des
plates-formes, le transport et l’édification des moai
a nécessité une longue période de paix et d’entraide. Cette période
aurait eu lieu bien avant la découverte de l’île par les Européens.
Or, la période de conflits généralisés entre les clans est
contemporaine à la découverte de l’île par les Européens et a perduré
près d’un siècle.
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Qualifier
Englert, comme le fait Orliac, d’avoir eu une conception « très
datée et très archaïque de ce qu’était un sauvage ou un primitif –
sans cesse se battant et mangeant ses semblables », est une complète
méconnaissance de l’histoire polynésienne ancienne. Les traditions
orales et certains témoignages des premiers explorateurs montrent en
effet que ce genre d’évènement était très répandu dans les temps
anciens, et ce, dans une grande partie de la Polynésie.
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Certains
auteurs se complaisent à croire le contraire et veulent absolument édulcorer
le passé de l’Île de Pâques, ce qui fit d’ailleurs dire à l’archéologue
pascuan Sergio Rapu qu’il aimerait bien croire ces chercheurs à
l’effet que ses ancêtres ne se seraient pas combattus et même dévorés
à l’occasion, mais que malheureusement il est largement convaincu du
contraire.
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Remarquons
que Cauwe a une tout autre opinion que Orliac à ce sujet puisqu’il
mentionne : « Dans les sociétés polynésiennes, les heurts entre
groupes sont monnaie courante et parfois empreints d’une cruauté
qu’il nous serait difficile de supporter (ainsi, à Tahiti, au xviii siècle
: massacre des enfants des vaincus, éviscération de leurs femmes, etc.). ».
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Selon
Cauwe cependant ces rixes sur l’île de Pâques ne seraient pas la cause
de la destruction des moai car
il considère que « dans toutes les sociétés polynésiennes on a
de la violence, île de Pâques comprise », mais que cela ne serait
pas la cause de la destruction des moai.
Il considère
que les statues n’auraient pas été renversées violement lors de
guerres de clans, mais qu’elles auraient plutôt été délicatement déposées
au sol.
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Grasdorff
mentionne que Orliac opine à ce sujet en affirmant : « Je suis tout
à fait d’accord avec Nicolas Cauwe, me dit Michel Orliac… Il y a bien
d’autres explications que cette pauvre naïveté. Il est évident
qu’il n’y a pas d’iconoclastie à l’île de Pâques : les milliers
de pétroglyphes ne sont jamais martelés, pas plus que les centaines de moai
du Rano Raraku au nez si fragile et pourtant si faciles d’accès.
C’est pour moi une preuve définitive de la pérennité du respect pour
ces figurations.
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Or,
ayant élaboré sur ce sujet dans une précédente étude très détaillée,
nous avons pu voir que
la mise à terre des moai serait effectivement due à des guerres de clans et que tout va
en ce sens : que ce soit la tradition orale, les informations recueillies
par les premiers explorateurs ou leurs constations sur le terrain.
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Lors
de ces guerres de clans les Pascuans vainqueurs s’en prenaient aux moai
des clans vaincus car ils s’agissaient de leurs ancêtres protecteurs.
Le renversement des moai d'un clan ennemi avait pour but de faire
disparaître la puissance surnaturelle de ses ancêtres et d'affaiblir la
capacité de ses membres à résister, à se réorganiser et à
contre-attaquer. Dans ce contexte, effacer les pétroglyphes n’intéressait
pas le moins du monde les Pascuans.
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Guerre
de clans et chute des moai
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Les
moai seraient aussi beaucoup
plus résistants que Cauwe ne le pense. Englert a en effet
découvert sur le terrain que lorsque les moai
auraient été jeté à terre violemment, les Pascuans auraient pris la
peine dans certains cas de positionner de grosses pierres à l’endroit où
le moai allait tomber afin de lui briser le cou. Ceci, fort
probablement afin de s’assurer que le moai
ne puisse pas être redressé par la suite.
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Une
fois les moai renversés et
impossibles à remplacer, les Pascuans les auraient utilisés
comme abris pour en faire des sépultures sur les lieux mêmes où ils ont
toujours honoré leurs ancêtres.
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Le
rite de l’Homme-oiseau
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L’auteur
aborde le rite de l’Homme-oiseau, un rite d’ailleurs complètement
inconnu dans le reste de la Polynésie. Orliac spécifie à ce sujet que
« Quand il fut impossible de déplacer les statues et que le culte
de l’Homme-oiseau devint prédominant, le regroupement régulier d’une
partie de la population, ou au moins de ses membres les plus éminents,
sur le sanctuaire du Rano kao, perpétuait ce mouvement fusionnel
bienfaisant. Dans leur sagesse inspirée par les dieux, les élites de
cette population totalement isolée, puis définitivement prisonnière
d’une île minuscule, ont construit un système permettant de vivre
ensemble fastueusement. »
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Or,
comme nous l’avons abordé tout au long de nos différentes études, le
culte des moai et de l’Homme-oiseau
étaient intimement liés. Si le rite de l’Homme-oiseau semble avoir été
à ses débuts un culte essentiellement religieux, permettant aussi de
maintenir un tabou concernant la consommation d’œufs et d’oiseaux, la
tradition orale et les comptes-rendus des missionnaires font état que l’Homme-oiseau
agissait en véritable despote et que sa nomination à chaque année
provoquait des guerres. On est donc bien loin du « vivre ensemble
fastueusement ».
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Les
sept moai de l’ahu Akivi
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Grasdorff
est intrigué par les sept moai
de l’ahu Akivi. Nous avons pu élaborer sur ces moai dans une précédente
étude et nous avons pu voir que contrairement à une idée maintenant
largement répandue, ceux-ci ne représenteraient pas les explorateurs de Hotu
Matua. Il s’agit tout simplement d’une idée séduisante émise par
Francis Mazières lorsque ces moai
furent redressés par l’archéologue William Mulloy. Cela n’a donc
strictement rien à voir avec la tradition orale.
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Le
mythe des sept explorateurs de l'ahu Akivi
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Cauwe
considère qu’il s’agit là d’un renouveau de la culture pascuane
« pour se redonner un cadre après avoir supporté un génocide
implacable. ».
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Nous savons que la mémoire pascuane a effectivement
pratiquement disparu et que les Pascuans manquent de repères en ce qui
concerne leur ancienne culture. Ceci n’est cependant pas dû à un
« génocide implacable » comme l’affirme Cauwe, mais
à un ensemble de facteurs, dont : l’extermination d’une partie
de la population pascuane, les Longues oreilles par les Petites oreilles,
ainsi que par des guerres intestines, dont une grande guerre qui a duré
près d’un siècle, auxquelles se sont ajoutés des épidémies apportées
par les premiers navigateurs et pour terminer un grand raid esclavagiste.
Il est certes bien normal dans ces conditions que les Pascuans essaient de
se redonner un cadre culturel. Cependant, ils sont complètement dépendant
des travaux effectués par des chercheurs européens et américains et
ils ne peuvent que se fier sur ceux-ci pour tenter de reconstruire leur
culture, avec toutes les aberrances que cela peut comporter à
l’occasion. La seule certitude que les Pascuans peuvent vraiment avoir
pour l’instant concernant leur passé est à l’effet que leur île était
densément boisée à l’époque où les moai
furent construits, ce qu’ils ne savaient pas avant que des recherches le démontrent hors de tout doute.
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La
déforestation
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L’auteur aborde aussi le sujet
de la déforestation, là encore le
lecteur pourra trouver un complément d’information à ce sujet dans
notre étude intitulée La forêt disparue.
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La
forêt disparue
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Croyance
des Pascuans sur la vie après la mort
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En terminant son « enquête »,
Grasdorff soulève une question qui l’intrigue au plus haut point :
« Les Pascuans croyaient-ils
à la renaissance ou à la réincarnation ? Y avait-il une vie après
la mort sur l’île de Pâques ? ».
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Ce à quoi Cauwe répond :
« Toutes ces croyances, Gilles, réincarnation, au-delà… Bien
malin qui pourrait en parler, à moins d’inventer ! ».
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Or, il faut croire qu’il n’a
pas été porté à l’attention de Cauwe qu’Alfred Métraux, co-équipier
d’Henri Lavachery lors de l’expédition Franco-Belge à l’Île de Pâques,
a recueilli plusieurs informations à ce sujet. Dans son livre Ethnology of
Easter Island, un grand classique concernant l’histoire de l’île
de Pâques, Métraux y fait une analyse de la conception de la vie après
la mort chez les Pascuans. Il mentionne que les Pascuans croyaient à une
de forme de vie après la mort et rapporte que, curieusement, deux
conceptions très distinctes se côtoyaient simultanément sur l’Île.
.
Pour satisfaire la curiosité de Grasdorff, nous allons lui expliquer
succinctement ces deux conceptions. Selon la première, l’âme de la personne morte partirait pour une contrée
inconnue où son degré de bonheur dépendrait du respect qu’elle a eu
pour les tabous (interdits promulgués par le roi) lorsqu’elle était
vivante. L’âme de la personne qui n’a pas respecté ces tabous
reviendrait harasser les vivants.
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Selon
la deuxième conception, les âmes pourraient être obligées de rester près
des tombes où reposaient leur dépouille, et selon leur mérite, souffrir
de la faim et de la soif, ce qui pourrait expliquer que les Pascuans
allaient porter des offrandes de nourriture sur des tombes. Métraux
rapporte aussi que l’âme du défunt pouvait aider les vivants et leur
accorder des faveurs matérielles.
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Métraux
considérait que cette deuxième conception de la vie après la mort ne
pouvait provenir des Polynésiens ayant colonisés l’Île de Pâques. Il
ne s’agirait
pas, selon lui, de la vraie conception des premiers
indigènes et ceux-ci l’auraient apprise d’une autre manière. Il ne
propose cependant pas de piste à ce sujet.
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Nous
croyons que ces deux conceptions qui coexistaient sur l’Île de Pâques,
refléteraient tout simplement les croyances des deux peuples distincts
qui cohabitaient sur l’Île, les descendants de Polynésiens et les
descendants d’Incas. Chaque groupe ayant conservé ses propres croyances
à ce niveau. Nous savons que les Polynésiens croyaient que les âmes des
défunts partaient pour une autre contrée et que les tabous constituaient
la base de leur système de contrôle social, d’où l’importance de
respecter ces tabous, le plus souvent sous peine de mort. Chez les Incas,
l’âme des défunts restait parmi les vivants et elle pouvait leurs
venir en aide en leurs accordants des faveurs matérielles et en
prodiguant des oracles. Il était cependant important de nourrir ces âmes
en retour.
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Nous
savons que les moai représentaient des défunts importants et que
ces représentations étaient honorées par les Pascuans. Thomson rapporte
que plusieurs pouvoirs étaient attribués aux moai,
dont celui d’assister certains clans lors de concours, et de délivrer
des oracles, ce qui rappelle là aussi les croyances incas.
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La
conception de la vie après la mort chez les anciens Pascuans
.
En
conclusion
.
L’auteur termine son livre par
de volumineuses annexes. Totalisant près de 350 pages, ce livre contient
pas moins de 100 pages d’annexes, la plupart de ces textes étant déjà
résumés dans le livre par l’auteur.
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Ce livre rassemble des éléments
très disparates, les sections concernant Roggeween et les missionnaires
peuvent intéresser les personnes captivées par l’Histoire. Pour le
reste ce livre ne remplit absolument pas ses promesses. Le lecteur cherche
en effet en vain la conclusion de tout cela, car après lui avoir mis
l’eau à la bouche, l’auteur laisse le lecteur sur sa faim. Quels sont
les fameux secrets et mystères de l’île de Pâques du titre qui avaient
rendu ce livre si alléchant ? On ne trouve pas traces non plus des
secrets et mystères qui entourent, aujourd’hui encore, l’île de Pâques,
un objectif que cet auteur se qualifiant de
« détective du mystère » s’était pourtant fixé au
début du livre. De toute manière il lui aurait été très difficile,
sinon impossible, de donner une réponse à cette question étant donné
qu’il ne présentait toujours qu’une seule et unique facette à chacun
des points qu’il abordait d’ailleurs trop succinctement.
.
Toute personne s’intéressant
vraiment à approfondir l’histoire de l’île de Pâques trouvera
cependant un certain intérêt à ce livre pour ses annexes. Celles-ci
contiennent en effet plusieurs lettres de missionnaires qui sont particulièrement
difficiles à trouver par soi-même.
.
Bien que ce livre ne nous
apprenne rien de plus sur les secrets et mystères de l’Île
de Pâques qui ne soient déjà connus, il comporte cependant ses propres
petits secrets et mystères…
.
.
Nous
avons remarqué qu’il est particulièrement difficile de s'y retrouver
parmi les références bibliographiques en bas de pages,
certaines sont incompréhensibles et d'autres ne renvoient tout simplement
pas au texte cité. Nous avons d'ailleurs eu la surprise de retrouver une
bribe de texte d'un de nos livres avec comme référence L'Île de Pâques
d'Alfred Métraux. C'est bien entendu un immense honneur pour nous d'être
assimilé à ce grand ethnologue qui a accompli un travail si exceptionnel
à l’île de Pâques. Nous aurions cependant quand même préféré que
la provenance de notre texte soit convenablement identifiée.
.
Dans
deux autres cas, des bribes de texte concernant une recherche dans des
documents historiques que nous avions réalisé se retrouvent dans le
livre de Grasdoff, mais cette fois sans aucune référence. Il semble que
la référence ait tout simplement été omise, propulsant ainsi, bien
involontairement nous l’imaginons, Grasdorff spécialiste de l'histoire
de l'influence incaïque à l'Île de Pâques. Notons que sa bibliographie
souffre exactement de la même lacune.
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Nous
imaginons qu’il doit s’agir là d’erreurs d’inattention de la part
d’un jeune écrivain débutant. Il nous semble cependant pour le moins très
important que l’auteur apprenne à maîtriser les différentes fonctions
de son traitement de texte qui permettent de traiter des références
bibliographiques lorsqu'il emprunte du texte à un autre auteur, ceci afin
d’éviter que l’on se fasse de fausses idées à ce sujet…
.
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Il est aussi intéressant
d’apprendre que l’auteur semble cumuler les coups du hasard. Ayant raconté
quelque peu l’histoire de Dutrou Bornier, un capitaine français aux
mœurs plus que douteux qui « régna » en seigneur et maître à l’Île
de Pâques, il s’avère qu’il loge maintenant depuis peu à
Montmorillon, le même village d’où est originaire Dutrou Bornier.
.
Les
références
corrigées
La
référence dans cette note de bas de page est complètement erronée, car il ne s'agit pas
d'une bribe de texte provenant du livre L'Île de Pâques d'Alfred
Métraux, mais bel et bien de texte provenant du livre Méga El Nino et
déforestation de l'Île de Pâques, l'effet combiné d'un dérèglement
climatique et de l'action de l'homme (2008) de Jean
Hervé Daude.
La première partie de cette
bribe de texte est constituée de nos commentaires suite à notre analyse du livre
Ethnology of Easter Island et la deuxième partie est une
traduction que nous avons personnellement effectué d'un passage du livre de
Brown.
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Cet historique des tous premiers liens qui furent signalés entre
l'Île de Pâques et le
Pérou des Incas est le fruit de nos recherches et a été publié dans
le livre Île de Pâques - Le transport et l'édification
des moai de Jean Hervé Daude. Nous en avons aussi personnellement traduit certaines
parties de l'Anglais au Français.

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Nous
espérons, avec cette analyse critique, avoir pu modestement contribuer à
satisfaire la soif de connaissance des lecteurs intéressés par l'île de
Pâques.
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